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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/50

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tion. C’est trop ; un même homme n’en peut faire qu’une : s’il en faloit deux pour réussir, de quel droit entreprendroit-on la premiere ?

Avec plus d’expérience on sauroit mieux faire, mais on ne le pourroit plus. Quiconque a rempli cet état une fois assez bien pour en sentir toutes les peines, ne tente point de s’y rengager, & s’il l’a mal rempli la premiere fois, c’est un mauvais préjugé pour la seconde.

Il est fort différent, j’en conviens, de suivre un jeune homme durant quatre ans, ou de le conduire durant vingt-cinq. Vous donnez un Gouverneur à votre fils déjà tout formé ; moi je veux qu’il en ait un avant que de naître. Votre homme à chaque lustre peut changer d’éleve ; le mien n’en aura jamais qu’un. Vous distinguez le Précepteur, du Gouverneur : autre folie ! Distinguez-vous le Disciple, de l’Éleve ? Il n’y a qu’une science à enseigner aux enfans ; c’est celle des devoirs de l’homme. Cette science est une, &, quoi qu’ait dit Xénophon de l’éducation des Perses, elle ne se partage pas. Au reste, j’appelle plutôt Gouverneur que Précepteur le maître de cette science ; parce qu’il s’agit moins pour lui d’instruire que de conduire. Il ne doit point donner de préceptes, il ait les faire trouver.

S’il faut choisir avec tant de soin le Gouverneur, il lui est bien permis de choisir aussi son Éleve, sur-tout quand il s’agit d’un modele à proposer. Ce choix ne peut tomber ni sur le génie ni sur le caractere de l’enfant, qu’on ne connoit qu’à la fin de l’ouvrage, & que j’adopte avant