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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/102

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terdam, il est tout aussi clair qu’elles n’y ont pas le moindre rapport. Je ne croirai jamais avoir bien entendu les raisons des Juifs, qu’ils n’aient un État libre, des écoles, des universités, où ils puissent parler & disputer sans risque. Alors, seulement, nous pourrons savoir ce qu’ils ont à dire.

À Constantinople, les Turcs disent leurs raisons, mais nous n’osons dire les nôtres ; là, c’est notre tour de ramper. Si les Turcs exigent de nous pour Mahomet, auquel nous ne croyons point, le même respect que nous exigeons pour Jesus-Christ des Juifs qui n’y croient pas davantage ; les Turcs ont-ils tort ? avons-nous raison ? Sur quel principe équitable résoudrons-nous cette question ?

Les deux tiers du genre humain ne sont ni Juifs, ni Mahométans, ni Chrétiens, & combien de millions d’hommes n’ont jamais ouï parler de Moyse, de Jesus-Christ, ni de Mahomet ? On le nie ; on soutient que nos Missionnaires vont par-tout. Cela est bientôt dit : mais vont-ils dans le cœur de l’Afrique encore inconnue, & où jamais Européen n’a pénétré jusqu’à présent ? Vont-ils dans la Tartarie méditerranée suivre à cheval les Hordes ambulantes, dont jamais étranger n’approche, & qui loin d’avoir ouï parler du Pape, connoissent à peine le grand Lama ? Vont-ils dans les continens immenses de l’Amérique, où des Nations entieres ne savent pas encore que des peuples d’un autre monde ont mis les pieds dans le leur ? Vont-ils au Japon, dont leurs manœuvres les ont fait chasser pour jamais, & où leurs prédécesseurs ne sont connus des générations qui naissent, que comme des intrigans rusés, venus avec un zele hypocrite pour s’emparer