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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/126

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où je l’introduis ; les sujets de réflexion que je lui présente irritent sa curiosité, parce qu’ils sont beaux par eux-mêmes, qu’ils sont tout nouveaux pour lui, & qu’il est en état de les comprendre. Au contraire, ennuyés, excédés de vos fades leçons, de vos longues morales, de vos éternels catéchismes, comment vos jeunes gens ne se refuseroient-ils pas à l’application d’esprit qu’on leur a rendue triste, aux lourds préceptes dont on n’a cessé de les accabler, aux méditations sur l’Auteur de leur être, dont on a fait l’ennemi de leurs plaisirs ? Ils n’ont conçu pour tout cela qu’aversion, dégoût ; la contrainte les en a rebutés : le moyen désormais qu’ils s’y livrent quand ils commencent à disposer d’eux ? Il leur faut du nouveau pour leur plaire, il ne leur faut plus rien de ce qu’on dit aux enfans. C’est la même chose pour mon Éleve ; quand il devient homme, je lui parle comme à un homme, et ne lui dis que des choses nouvelles ; c’est précisément parce qu’elles ennuient les autres qu’il doit les trouver de son goût.

Voilà comment je lui fais doublement gagner du tems, en retardant au profit de la raison le progrès de la Nature ; mais ai-je en effet retardé ce progrès ? Non ; je n’ai fait qu’empêcher l’imagination de l’accélérer ; j’ai balancé par des leçons d’une autre espece les leçons précoces que le jeune homme reçoit d’ailleurs. Tandis que le torrent de nos institutions l’entraîne, l’attirer en sens contraire par d’autres institutions, ce n’est pas l’ôter de sa place, c’est l’y maintenir.

Le vrai moment de la Nature arrive enfin ; il faut qu’il