Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/153

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le porte pas, elle sera digne au moins de le porter ; nous pouvons lui en faire honneur d’avance. Après tous ces détails, si, sans affirmer, sans nier, on s’échappe par des défaites, ses soupçons se changeront en certitude ; il croira qu’on lui fait mystère de l’épouse qu’on lui destine, & qu’il la verra quand il sera temps. S’fl en est une fois là, & qu’on ait bien choisi les traits qu’il faut lui montrer, tout le resté est facile ; on peut l’exposer dans le monde presque sans risque : défendez-le seulement de ses sens, son cœur est en sûreté.

Mais, soit qu’il personnifie ou non le modèle que j’aurai su lui rendre aimable, ce modèle, s’il est bien fait, ne l’attachera pas moins à tout ce qui lui ressemble, & ne lui donnera pas moins d’éloignement pour tout ce qui ne lui ressemble pas, que s’il avoit un objet réel. Quel avantage pour préserver son cœur des dangers auxquels sa personne doit être exposée, pour réprimer ses sens par son imagination, l’arracher surtout à ces donneuses d’éducation qui la font payer si cher, & ne forment un jeune homme à la politesse qu’en lui ôtant toute honnêteté ! Sophie est si modeste ! de quel œil verra-t-il leurs avances ? Sophie a tant de simplicité ! comment aimera-t-il leurs airs ? il y a trop loin de ses idées à ses observations, pour que celles-ci lui soient jamais dangereuses.

Tous ceux qui Parlent du gouvernement des enfants suivent les mêmes préjugés et les mêmes maximes, parce qu’ils observent mal & réfléchissent plus mal encore. Ce n’est ni par le tempérament ni par le sens que commence l’égarement de la jeunesse, c’est par l’opinion. S’il étoit ici