Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/226

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délicatesse n’est pas la langueur, & il ne faut pas être malsaine pour plaire. On excite la pitié quand on souffre ; mais le plaisir & le désir cherchent la fraîcheur de la santé.

Les enfants des deux sexes ont beaucoup d’amusements communs, & cela doit être ; n’en ont-ils pas de même étant grandes ? Ils ont aussi des goûts propres qui les distinguent. Les garçons cherchent le mouvement & le bruit ; des tambours, des sabots, de petits carrosses : les filles aiment mieux ce qui donne dans la vue & sert à l’ornement ; des miroirs, des bijoux, des chiffons, surtout des poupées : la poupée est l’amusement spécial de ce sexe ; violà très évidemment son goût déterminé sur sa destination. Le physique de l’art de plaire est dans la parure : c’est tout ce que des enfants peuvent cultiver de cet art.

Voyez une petite fille passer la journée autour de sa poupée, lui changer sans, cesse d’ajustement, l’habiller, la déshabiller cent & cent fois, chercher continuellement de nouvelles combinaisons d’ornements bien ou mal assortis, il n’importe ; les doigts manquent d’adresse, le goût n’est pas formé, mais déjà le penchant se montre ; dans cette éternelle occupation le temps coule sans qu’elle y songe ; les heures passent, elle n’en sait rien ; elle oublie les repas mêmes, elle a plus faim de parure que d’aliment. Mais, direz-vous, elle pare sa poupée & non sa personne. Sans doute ; elle voit sa poupée & ne se voit pas, elle ne peut rien faire pour elle-même, elle n’est pas formée, elle n’a ni talent ru force, elle n’est rien encore, elle est toute dans sa poupée, elle y met toute sa coquetterie. Elle ne l’y lais sera pas