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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/228

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borner leurs études à des connoissances d’usage, cela importe encore plus aux femmes ; parce que la vie de celles-ci, bien que moins laborieuse, étant ou devant être plus assidue à leurs soins, & plus entre-coupée de soins divers, ne leur permet de se livrer par choix à aucun talent au préjudice de leurs devoirs.

Quoi qu’en disent les plaisans, le bon sens est également des deux sexes. Les filles en général sont plus dociles que les garçons, & l’on doit même user sur elles de plus d’autorité, comme je le dirai tout à l’heure : mais il ne s’ensuit pas que l’on doive exiger d’elles rien dont elles ne puissent voir l’utilité ; l’art des meres est de la leur montrer dans tout ce qu’elles leur prescrivent, & cela est d’autant plus aisé que l’intelligence dans les filles, est plus précoce que dans les garçons. Cette regle bannit de leur sexe, ainsi que du nôtre, non-seulement toutes les études oisives qui n’aboutissent à rien de bon, & ne rendent pas même plus agréables aux autres ceux qui les ont faites, mais même toutes celles dont l’utilité n’est pas de l’âge, & où l’enfant ne peut la prévoir dans un âge plus avancé. Si je ne veux pas qu’on presse un garçon d’apprendre à lire, à plus forte raison je ne veux pas qu’on y force de jeunes filles, avant de leur faire bien sentir à quoi sert la lecture, & dans la maniere dont on leur montre ordinairement cette utilité, on suit bien plus sa propre idée que la leur. Après tout, où est la nécessité qu’une fille sache lire & écrire de si bonne heure ? Aura-t-elle sitôt un ménage à gouverner ? Il y en a bien peu qui ne fassent plus d’abus que d’usage de cette fatale