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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/33

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& comme noyé dans l’immensité des êtres, sans rien savoir de ce qu’ils sont, ni entre eux, ni par rapport à moi. Je les étudie, je les observe, & le premier objet qui se présente à moi pour les comparer, c’est moi-même.

Tout ce que j’apperçois par les sens est matiere, & je déduis toutes les propriétés essentielles de la matiere des qualités sensibles qui me la font appercevoir, & qui en sont inséparables. Je la vois tantôt en mouvement & tantôt en repos [1], d’où j’infere que, ni le repos, ni le mouvement ne lui sont essentiels ; mais le mouvement étant une action, est l’effet d’une cause dont le repos n’est que l’absence. Quand donc rien n’agit sur la matiere, elle ne se meut point ; & par cela même qu’elle est indifférente au mouvement, son état naturel est d’être en repos.

J’apperçois dans les corps deux sortes de mouvements, savoir ; mouvement communiqué, & mouvement spontanée ou volontaire. Dans le premier, la cause motrice est étrangere au corps mû ; & dans le second elle est en lui-même. Je ne conclurai pas de-là que le mouvement d’une montre, par exemple, est spontanée ; car si rien d’étranger au ressort n’agissoit sur lui, il ne tendroit point à se redresser, et ne tireroit pas la chaîne. Par la même raison je n’accorderai point, non plus, la

  1. (25) Ce repos n’est, si l’on veut que relatif ; mais puisque nous observons du plus & du moins dans le mouvement, nous concevons très-clairement un des deux termes extrêmes qui est le repos, & nous le concevons si bien que nous sommes enclins même à prendre pour absolu le repos qui n’est que relatif. Or il n’est pas vrai que le mouvement soit de l’essence de la matiere, si elle peut être conçue en repos.