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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/35

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& morte [1], qui n’a rien dans son tout de l’union, de l’organisation, du sentiment commun des parties d’un corps animé ; puisqu’il est certain que nous qui sommes parties ne nous sentons nullement dans le tout. Ce même Univers est en mouvement ; & dans ses mouvemens réglés, uniformes, assujettis à des lois constantes, il n’a rien de cette liberté qui paroit dans les mouvemens spontanées de l’homme & des animaux. Le monde n’est donc pas un grand animal qui se meuve de lui-même ; il y a donc de ses mouvemens quelque cause étrangere à lui, laquelle je n’apperçois pas ; mais la persuasion intérieure me rend cette cause tellement sensible, que je ne puis voir rouler le soleil sans imaginer une force qui le pousse, ou que si la terre tourne, je crois sentir une main qui la fait tourner.

S’il faut admettre des loix générales dont je n’apperçois point les rapports essentiels avec la matiere, de quoi serai-je avancé ? Ces loix n’étant point des êtres réels, des substances, ont donc quelqu’autre fondement qui m’est inconnu. L’expérience & l’observation nous ont fait connoître les loix du mouvement, ces loix déterminent les effets sans montrer les causes ; elles ne suffisent point pour expliquer le systême du monde & la marche de l’univers. Descartes avec des dez formoit le Ciel & la terre ; mais il ne put donner le pre-

  1. (27) J’ai fait tous mes efforts pour concevoir une molécule vivante, sans pouvoir en venir à bout. L’idée de la matiere, sentant sans avoir des sens, me paroit inintelligible & contradictoire. Pour adopter ou rejetter cette idée il faudroit commencer par la comprendre, & j’avoue que je n’ai pas ce bonheur là.