Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/409

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à vous & à votre famille ; car, bien qu’il. ne faille pas faire d’un tel soin sa principale affaire, il y faut pourtant songer une fois. Voulez-vous vous engager dans la dépendance des hommes que vous méprisez ? Voulez-vous établir votre fortune & fixer votre état par des relations civiles qui vous mettront sans cesse à la discrétion d’autrui, & vous forceront, pour échapper aux fripons, de devenir fripon vous-même ?

Là-dessus je lui décrirai tous les moyens possibles de faire valoir son bien, soit dans le commerce, soit dans les charges, soit dans la finance ; & je lui montrerai qu’il n’y en a pas un qui ne lui laisse des risques à courir, qui ne le mette dans un état précaire & dépendant, & ne le force de régler ses mœurs, ses sentiments, sa conduite, sur l’exemple & les préjugés d’autrui.

Il y a, lui dirai-je, un autre moyen d’employer son temps & sa personne, c’est de se mettre au service, c’est-à-dire de se louer à très bon compte pour aller tuer des gens qui ne nous ont point fait de mal. Ce métier est en grande estime parmi les hommes, & ils font un cas extraordinaire de ceux qui ne sont bons qu’à cela. Au surplus, loin de vous dispenser des autres ressources, il ne vous les rend que plus nécessaires ; car il entre aussi dans l’honneur de cet état de ruiner ceux qui s’y dévouent. Il est vrai qu’ils ne s’y ruinent pas tous ; la mode vient même insensiblement de s’y enrichir comme dans les autres ; mais je doute qu’en vous expliquant comment s’y prennent pour cela ceux qui réussissent, je vous rende curieux de les imiter.

Vous saurez encore que, dans ce métier même, il ne s’agit