Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/500

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que le maître) excitoit l’admiration ; l’on sembloit épier tous mes mouvemens, tous mes gestes. On tâchoit d’en user avec moi comme à l’ordinaire ; mais cela ne se faisoit plus sans effort, & l’on eut dit que c’étoit par respect qu’on s’abstenoit de m’en marquer davantage, les idées dont j’étois préoccupé rn’empêcherent de m’appercevoir de ce changement aussi-tôt que j’aurois fait dans un autre tems : mais mon habitude en agissant d’être toujours à la chose, me ramenant bientôt à ce qui se faisoit autour de moi, ne me laissa pas long-tems ignorer que j’étois devenu pour ces bonnes gens un objet de curiosité qui les intéressoit beaucoup.

Je remarquai sur-tout que l’a femme ne me quittoit pas des yeux. Ce sexe à une sorte de droits sur les aventuriers qui les lui rend en quelque sorte plus intéressans. Je ne poussois pas un coup d’échope qu’elle ne parût effrayée, & je la voyois toute surprise de ce que je ne m’étois pas blessé. Madame, lui dis-je une fois, je vois que vous vous défiez de mon adresse ; avez-vous peur : que je ne sache pas mon métier ? Monsieur, me dit-elle, je vois que vous savez bien. le nôtre ; on diroit que vous n’avez sait que cela toute votre vie. à ce mot je vis que j’étois connu : je voulus savoir comment je l’étois. Après bien des mysteres, j’appris qu’une jeune Dame étoit venue, il y avoit deux jours, descendre à lai porte du maître, que sans permettre qu’on m’avertît, elle avoit voulu me voir, qu’elle s’etoit arrêtée derriere une porte vitrée d’où elle pouvoit m’appercevoir au fond, de l’attelier, qu’elle s’étoit mise à genoux à cette porte