sorte, trop sociable, embrassant trop tout le Genre-humain pour une Législation qui doit être exclusive ; inspirant l’humanité plutôt que le patriotisme, & tendant à former des hommes plutôt que des Citoyens. *
[ *C’est merveille de voir l’assortiment de beaux sentimens qu’on va nous entassant dans les Livres ; il ne faut pour cela que des mots, & les vertus en papier ne coûtent gueres : mais elles ne s’agencent pas tout-à-fait ainsi dans le cœur de l’homme, & il y a loin des peintures aux réalités. Le patriotisme & l’humanité sont, par exemple, deux vertus incompatibles dans leur énergie, & surtout chez un Peuple entier. Le Législateur qui les voudra toutes deux, n’obtiendra ni l’un ni l’autre : cet accord ne s’est jamais vu ; il ne se verra jamais, parce qu’il est contraire à la nature, & qu’on ne peut donner deux objets à la même passion] Si je me suis trompé, j’ai fait une erreur en politique ; mais ou est mon impiété ?
La science du salut & celle du Gouvernement sont très-différentes : vouloir que la première embrasse tout, est un fanatisme de petit esprit : c’est penser comme les Alchimistes, qui, dans l’art de faire de l’or, voient aussi la médecine universelle ; ou comme les Mahométans, qui prétendent trouver toutes les sciences dans l’Alcoran. La doctrine de l’Evangile n’a qu’un objet, c’est d’appeller & sauver tous les hommes ; leur liberté, leur bien-être ici-bas n’y entre pour rien, Jésus l’a dit mille fois. Mêler à cet objet des vues terrestres, c’est altérer sa simplicité sublime, c’est souiller sa sainteté par des intérêts humains : c’est cela qui est vraiment une impiété.
Ces distinctions sont de tout tems établies : on ne les a confondues que pour moi seul. En ôtant des Institutions nationales la Religion Chrétienne, je l’établis la meilleure pour le Genre-humain. l’Auteur de l’Esprit des Loix a fait plus, il