Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/504

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la l’image fidelle de la Société ? Est-ce ainsi qu’on nous rend suspecte une passion qui perd tant de gens bien nés ? Il s’en faut peu qu’on ne nous fasse croire qu’un honnête homme est oblige d’être amoureux, & qu’une amante aimée ne sauroit n’être pas vertueuse. Nous voilà sort bien instruits !

Encore une fois, je n’entreprends point de juger si c’est bien ou mal fait de fonder sur l’amour le principal intérêt du Théâtre ; mais je dis que, si ses peintures sont quelques-fois dangereuses, elles le seront toujours quoiqu’on sasse pour les déguiser. Je dis que c’est en parler de mauvaise foi, ou sans le connoître, de vouloir en rectifier les impressions par d’autres impressions étrangères qui ne les accompagnent point jusqu’au cœur, ou que le cœur en à bientôt séparées ; impressions qui même en déguisent les dangers, & donnent à ce sentiment trompeur un nouvel attrait par lequel il perd ceux qui s’y livrent.

Soit qu’on déduise de la nature des Spectacles, en général, les meilleures formes dont ils sont susceptibles ; soit qu’on examine tout ce que les lumieres d’un siecle & d’un peuple éclaires ont fait pour la perfection des nôtres ; je crois qu’on peut conclure de ces considérations diverses que l’effet moral du Spectacle & des Théâtres ne sauroit jamais être bon ni salutaire en lui-même : puisqu’a ne compter que leurs avantages, on n’y trouve aucune forte d’utilité réelle, sans inconvéniens qui la surpassent. Or par une suite de son inutilité mêmes, le Théâtre, qui peut rien pour corriger les mœurs, beaucoup pour les altérer. En favorisant