Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/58

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mot Hébreu qu’on a traduit par créer, faire quelque chose de rien, signifie plutôt faire, produire quelque chose avec magnificence. Rivet prétend même que ce mot Hébreu Bara ni le mot Grec qui lui répond, ni même le mot Latin creare ne peuvent se restreindre a cette signification particuliere de produire quelque chose de rien. Il est si certain, du moins, que le mot Latin se prend dans un autre sens, que Lucrece, qui nie formellement la possibilité de toute création, ne laisse pas d’employer souvent le même terme pour expliquer la formation de l’Univers & de ses parties. Enfin, M. de Beausobre a prouvé*

[*Hist. du Manichéisme, Tome II.] que la notion de la création ne se trouve point dans l’ancienne Théologie judaïque, & vous êtes trop instruit, Monseigneur, pour ignorer que beaucoup d’hommes, pleins de respect pour nos Livres Sacrés, n’ont cependant point reconnu dans le récit de Moïse l’absolue création de l’Univers. Ainsi le Vicaire, à qui le despotisme des Théologiens n’en impose pas, peut très-bien, sans en être moins orthodoxe, douter s’il y a deux principes éternels des choses, ou s’il n’y en a qu’un. C’est un débat purement grammatical ou philosophique, où la révélation n’entre pour rien.

Quoiqu’il en soit, ce n’est pas de cela qu’il s’agit entre nous, &, sans soutenir les sentiments du Vicaire, je n’ai rien à faire ici qu’à montrer vos torts.

Or vous avez tort d’avancer que l’unité de Dieu me paroît une question oiseuse & supérieure à la raison, puisque dans l’Ecrit que vous censurez, cette unité est établie & soutenue