Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/594

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Spectacle nous en aura dégoûtés pour toujours. L’oisiveté devenue nécessaire, les vuides du tems que nous ne saurons plus remplir, nous rendront à charge à nous-mêmes ; les Comediens en partant nous laisseront l’ennui pour arrhes de leur retour ; il nous forcera bientôt à les rappeller ou a faire pis. Nous aurons mal fait d’etablir la Comedie, nous serons mal de la laisser subsister, nous serons mai de la detruire : après la premiere faute, nous n’aurons plus que le choix de nos maux.

Quoi ! ne faut-il donc aucun Spectacle dans une République ? Au contraire, il en faut beaucoup. C’est dans les Républiques qu’ils sont nés, c’est dans leur sein qu’on les voit briller avec un véritable air de fête. À quels peuples convient-il mieux de s’assembler souvent & de former entre eut les doux liens du plaisir & de la joie, qu’a ceux qui ont tant de raisons de s’aimer & de rester à jamais unis ? Nous avons déjà plusieurs de ces fêtes publiques ; ayons-en,davantage encore, je n’en serai que plus charme. Mais n’adoptons point ces Spectacles exclusifs qui renferment tristement un. petit nombre de gens dans un antre obscur ; qui les tiennent craintifs & immobiles dans le silence & l’inaction ; qui n’offrent aux yeux que cloisons, que pointes de fer, que soldats, qu’affligeantes images de la servitude & de l’inégalité. Non, Peuples heureux, ce ne sont pas la vos fêtes ! C’est en plein air, c’est sous le ciel qu’il faut vous rassembler & vous livrer au doux sentiment de votre bonheur. Que vos plaisirs ne soient, effémines ni mercenaires, que rien de ce qui sent la contrainte & l’intérêt ne les empoisonne