Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/599

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la place des assemblées publiques. à force de se cacher comme si l’on étoit coupable, on est tente de le devenir. L’innocente joie aime à s’évaporer au grand jour ; mais le vice est ami des ténèbres, & jamais l’innocence & le mystère n’habitèrent long-tems ensemble.

Pour moi, loin de blâmer de si simples amusemens, je voudrois au contraire qu’ils fussent publiquement autorités, & qu’on y prévint tout désordre particulier en les convertissant en bals solennels & périodiques, ouverts indistinctement à toute la jeunesse à marier. Je voudrois qu’un Magistrat,*

[* À chaque corps de métier, à chacune des sociétés publiques dont est compose notre Etat, préside un de ces Magistrats, sous le nom de Seigneur-Commis. Ils assistent a toutes les assemblées & même aux festins. Leur présence n’empêche point une honnête familiarité entre les membres de l’association ; mais elle maintient tout le monde dans le respect qu’on doit porter aux loix, aux mœurs, à la décence, même au sein de la joie & du plaisir. Cette institution est très-belle, & forme un des grands liens qui unissent le peuple à ses chefs.] nomme par le Conseil ; ne dédaignât pas de présider à ces bals. Je voudrois que les peres & meres y assistent, pour veiller sur leurs enfans, pour être témoins de leur grace & de leur adresse, des applaudissemens qu’ils auroient mérites, & jouir ainsi du plus doux spectacle qui puisse toucher un cœur paternel. Je voudrois qu’en général toute personne mariée y fut admise au nombre des spectateurs & des juges, sans qu’il fut permis à aucune de profaner la dignité conjugale en dansant elle-même : car à quelle fin honnête pourroit-elle se donner ainsi en montre au public ? Je voudrois qu’on format dans la salle une enceinte