Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t6.djvu/605

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l’équité, l’innocence ? Allons rechercher tout cela. Mon Dieu ! avec le cœur du Genevois, avec une ville aussi riante, un pays aussi charmant, un gouvernement aussi juste, des plaisirs si vrais & si purs, & tout ce qu’il faut pour savoir les goûter, à quoi tient-il que nous n’adorions tous la patrie ?

Ainsi rappelloit ses citoyens, par des fêtes modestes & des jeux sans éclat, cette Sparte que je n’aurai jamais allez citée pour l’exemple que nous devrions en tirer ; ainsi dans Athenes parmi les beaux-arts, ainsi dans Suse au sein du luxe & de la mollesse, le Spartiate ennuyé soupiroit après les grossiers festins & les fatigans exercices. C’est à Sparte que, dans une laborieuse oisiveté, tout étoit plaisir & Spectacle ; c’est-là que les plus rudes travaux paissoient pour des récréations, & que les moindres délassemens formoient une instruction publique, c’est-là que les citoyens, continuellement assembles, consacroient la vie entiere à des amusemens qui faisoient la grande affaire de l’Etat, & à des jeux dont on ne se délassoit qu’a la guerre.

J’entends déjà les plaisans me demander si,.parmi tant de merveilleuses instructions, je ne veux point aussi, dans nos ; Fêtes Genevoises, introduire les danses des jeunes Lacédémoniennes ? Je réponds que je voudrois bien nous croire les yeux & les cœurs assez chastes pour supporter un tel Spectacle, & que de jeunes personnes dans cet etat fussent Geneve comme à Sparte couvertes de l’honnêteté publique ; mais, quelque estime que je fasse de mes compatriotes, je sais trop combien il y a loin d’eux aux Lacédémoniens, & je ne leur propose