Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/130

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les mensonges des Philosophes puissent jamais être bons à rien. Serons-nous, toujours dupes des mots ? & ne comprendrons-nous jamais qu’études, connoissances, savoir & Philosophie, ne sont que de vains simulacres élevés par l’orgueil humain, & très-indignes des noms pompeux qu’il leur donne ?

À mesure que le goût de ces niaiseries s’étend chez une nation, elle perd celui des solides vertus : car il en coûte moins pour se distinguer par du babil que par de bonnes mœurs, des qu’on est dispense d’être homme de biens pourvu qu’on soit un homme agréable.

Plus l’intérieur se corrompt & plus l’extérieur se compose : *

[* Je n’assiste jamais à la représentation d’une Comédie de Moliere que je n’admire la délicatesse des spectateurs, Un mot un peu libre, une expression plutôt grossière qu’obscène, tout blesse leurs chastes oreilles ; & je ne doute nullement que les plus corrompus ne soient toujours les plus scandalises. Cependant, si l’on comparoit les mœurs du siecle de Moliere avec celles du notre, quelqu’un croira-t-il que le résultat fut à l’avantage de celui-ci ? Quand l’imagination est une fois salie, tout devient pour elle un sujet de scandale, quand on n’a plus rien de bon que l’extérieur, on redouble tous les soins pour le conserver. ] c’est ainsi que la culture des Lettres engendre insensiblement politesse. Le goût naît encore de la même source. L’approbation publique étant le premier prix des travaux littéraires, il est naturel que ceux qui s’en occupent réfléchissant sur les moyens de plaire ; & ce sont ces réflexions qui a la longue forment le style, épurent le goût, & répandent par-tout les grâces & l’urbanité. Toutes ces choses seront, si l’on veut, le supplément de la vertu : mais jamais on ne pourra dire qu’elles soient la vertu, & rarement elles s’associeront avec elle. Il y