Là, coulant une douce vie, si chere aux cœurs tendes & simples, il goûtoit dans sa retraite les charmes d’un amour partage : la, sur un sistre d’or fait pour chanter les louanges du Très-Haut, il chantoit souvent les charmes de sa jeune épouse. Combien de sois les coteaux du mont Heba1 retentirent de ses aimables chansons ? Combien de sois il la, mena sous l’ombrage, dans les vallons de Sichem, cueillir des roses champêtres & goûter le frais au bord des ruisseaux ? Tantôt il cherchoit dans les creux des rochers des rayons d’un miel dore dont elle faisoit ses délices ; tantôt dans le feuillage des oliviers il tendoit aux oiseaux des pièges trompeurs, & lui apportoit une tourterelle craintive qu’elle baisoit en la flattant, puis l’enfermant dans son sein, elle tressailloit d’aise en la sentant se débattre & palpiter. Fille de Bethléem, lui disoit-il, pourquoi pleures-tu toujours ta famille & ton pays ? Les enfans d’Ephraim n’ont-ils point aussi des fêtes, les filles de la riante Sichem sont-elles sans gaîté, les habitans de l’antique Atharot manquent-ils de force & d’ adresse ? Viens voir leurs jeux & les embellir. Donne-moi des plaisirs, ô ma bien-aimée ; en est-il pour moi d’autres que les riens ?
Toutefois la jeune fille s’ennuya du Lévite, peut-être parce qu’il ne lui laissoit rien à désirer à désire. Elle se dérobe & s’ensuit vers son pere, vers sa tendre mere, vers ses solâtres sœurs. Elle y croit retrouver les plaisirs innocens de son enfance, comme si elle y portoit le même âge & le même cœur.
Mais le Lévite abandonne ne pouvoir oublier sa volage épouser. Tout lui rappelloit dans sa solitude les jours heureux qu’il avoit passes auprès d’elle ; leurs jeux, leurs plaisirs, leurs