Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/193

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faire pour eux de nouvelles veuves, lorsqu’un vieillard de Lébona parlant aux anciens leur dit : hommes Israélites, ecoutez l’avis d’un de vos freres. Quand vos mains se lasseront-elles du meurtre des innocens ? Voici les jours de la solemnité de l’Eternel en Silo. Dites ainsi aux enfans de Benjamin : Allez, & mettez des embûches aux vignes : puis quand vous verrez que les filles de Silo sortiront pour danser avec des flûtes, alors vous les envelopperez, & ravissant chacun sa femme, vous retournerez vous établir avec elles au pays de Benjamin.

Et quand les peres ou les freres des jeunes filles viendront se plaindre à nous, nous leur dirons ; ayez pitié d’eux pour l’amour de nous & de vous-mêmes qui êtes leur freres ; puisque n’ayant pu les pourvoir après cette guerre & ne pouvant leur donner nos filles contre le ferment, nous serons coupables de leur perte si nous les laissons périr sans descendans.

Les enfans donc de Benjamin firent ainsi qu’il leur fut dit, & lorsque les jeunes filles sortirent de Silo pour danser, ils s’élancerent & les environnerent. La craintive troupe fuit, se disperse ; la terreur succède à leur innocente gâité ; chacune appelle à grands cris ses compagnes, & court de toutes ses forces. Les ceps déchirent leurs voiles, la terre est jonchée de leurs parures, la course anime leur teint & l’ardeur des ravisseurs. Jeunes beautés ou courez-vous ? En fuyant l’oppresseur qui vous tombez dans des bras qui vous enchaînent. Chacun ravit la sienne, & s’efforçant : de l’appaiser l’effraye encore plus car ses carresses qui par sa violence. Au tumulte qui s’éleve, aux cris qui se sont entendre au loin tout le peule accourt ; les peres & meres écartent