Quoi ! c’étoit vous que je redoutois ; c’étoit vous que je
rougissois d’aimer ? Ô Sara, fille adorable, ame plus belle que
ta figure ! Si je m’estime desormais quelque chose, c’est d’avoir
un cœur fait pour sentir tout ton prix. Oui, sans doute, je
rougis de l’amour que j’avois pour toi, mais c’est parce qu’il
étoit trop rampant, trop languissant, trop foible, trop peu digne
de son objet. Il y a six mois que mes yeux & mon cœur devorent
tes charmes, il y a six mois que tu m’occupes seule & que je
ne vis que pour toi : mais ce n’est que d’hier que j’ai appris
à t’aimer. Tandis que tu me parlois & que des discours dignes
du Ciel sortoient de ta bouche, je croyois voir changer tes
traits, ton air, ton port, ta figure ; je ne sais quel feu surnaturel
luisoit dans tes yeux, des rayons de lumiere sembloient t’entourer.
Ah Sara ! si réellement tu n’es pas une mortelle, si
tu es l’Ange envoyé du Ciel pour ramener un cœur qui s’égare,
dis-le moi ; peut-être il est tems encore. Ne laisse plus profaner
ton image par des desirs formés malgré moi. Hélas !
si je m’abuse dans mes vœux, dans mes transports, dans mes
téméraires hommages, guéris-moi d’une erreur qui t’offense,
apprends-moi comment il faut t’adorer.
Vous m’avez subjugué, Sara, de toutes les manieres, & si vous me faites aimer ma folie, vous me la faites cruellement sentir. Quand je compare votre conduite à la mienne, je trouve un sage dans une jeune fille, & je ne sens en moi