& redoublent l’opprobre & l’obſcurité du parti de Vitellius ? S’il occupe quelques provinces, s’il traîne après lui quelque ſimulacre d’armée, le Sénat eſt avec nous ; c’eſt par lui que nous ſommes la République & que nos ennemis le ſont auſſi de l’Etat. Penſez-vous que la majeſté de cette ville conſiſte dans des amas de pierres & de maiſons, monumens ſans ame & sans voix qu’on peut détruire ou rétablir à ſon gré ? L’éternité de l’Empire, la paix des Nations ; mon ſalut & le vôtre, tout dépend de la conſervation du Sénat. Inſtitué ſolemnellement par le premier Pere & fondateur de cette ville pour être immortel comme elle, & continué sans interruption depuis les Rois jusqu’aux Empereurs, l’intérêt commun veut que nous le tranſmettions à nos deſcendans tel que nous l’avons reçu de nos ayeux : car c’eſt du Sénat que naiſſent les ſucceſſeurs à l’Empire, comme de vous les Sénateurs.
Ayant ainſi tâché d’adoucir & contenir la fougue des ſoldats, Othon ſe contenta d’en faire punir deux : ſévérité tempérée qui n’ôta rien au bon effet du diſcours. C’eſt ainſi qu’il appaiſa, pour le moment, ceux qu’il ne pouvoit réprimer.
Mais le calme n’étoit pas pour cela rétabli dans la ville. Le bruit des armes y retentissoit encore, & l’on y voyoit l’image de la guerre. Les ſoldats n’étoient pas attroupés en tumulte, mais déguiſés & diſperſés par les maiſons, ils épioient avec une attention maligne tous ceux que leur rang, leur richeſſe ou leur gloire expoſoient aux diſcours publics.