Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/462

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d’abord d’autre musique que la mélodie, ni d’autre mélodie que le son varié de la parole ; les accens formoient le chant, les quantités formoient la mesure, & l’on parloit autant par les sons & par le rhythme que par les articulations & les voix. Dire & chanter étoient autrefois la même chose dit Strabon ; ce qui montre, ajoute-t-il, que la poésie est la source de l’éloquence. Il falloit dire que l’une & l’autre eurent la même source, & ne furent d’abord que la même chose. Sur la maniere dont se lierent les premieres sociétés, était-il étonnant qu’on mît en vers les premieres histoires, & qu’on chantât les premieres lois ? était-il étonnant que les premieres grammairiens soumissent leur art à la musique, & fussent à la fois professeurs de l’un & de l’autre (+) ?

Une langue qui n’a que des articulations & des voix n’a donc que la moitié de sa richesse ; elle rend des idées, il est vrai ; mais pour rendre des sentimens, des images, il lui faut encore un rhythme & des sons, c’est-à-dire, une mélodie ; voilà ce qu’avoit la langue grecque, & ce qui manque à la nôtre.

Nous sommes toujours dans l’étonnement sur les effets prodigieux de l’éloquence, de la poésie & de la musique parmi les Grecs : ces effets ne s’arrangent point dans nos têtes parce que nous n’en éprouvons plus de pareils ; & tout ce


Géogr. liv. I.

(+) Archytas atque Aristoxenes etiam subjectam grammaticen musicæ putaverunt, et eosdem utriusque rei præceptores fuisse... Tum Eupolis, apud quem Prodamus et musicen et litteras docet. Et Maricas, qui est Hyperbolus, nihil se ex musicis scire nisi litteras confitetur. Quintil. lib I, cap X.