Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/535

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ce mot ; quant à moi, j’appelle récitatif une déclamation harmonieuse, c’est-à-dire, une déclamation dont toutes les inflexions se sont par intervalles harmoniques. D’ou il suit que comme chaque langue a une déclamation qui lui est propre, chaque langue doit aussi avoir son récitatif particulier ; ce qui n’empêche pas qu’on ne puisse très-bien comparer un récitatif à un autre, pour savoir lequel des deux est le meilleur, ou celui qui se rapporte le mieux a son objet.

Le récitatif est nécessaire dans les drames lyriques, 1̊ Pour lier l’action & rendre le spectacle un. 2̊ Pour faire valoir les airs, dont la continuité deviendroit insupportable. 3̊ Pour exprimer une multitude de choses qui ne peuvent ou ne doivent point être exprimées par la Musique chantante & cadencée. La simple déclamation ne pouvoir convenir à tout cela dans un ouvrage lyrique, parce que la transition de la parole au chant, & sur-tout du chant à la parole, a une dureté à laquelle l’oreille se prête difficilement, & forme un contraste choquant qui détruit toute l’illusion, & par conséquent l’intérêt ; car il y a une sorte de vraisemblance qu’il faut, conserver, même a l’Opéra, en rendant le discours tellement uniforme, que le tout puisse être pris au moins pour une langue hypothétique. Joignez à cela que le secours des accords augmente l’énergie de la déclamation harmonieuse, & dédommage avantageusement de ce qu’elle a de moins naturel dans les intonations.

Il est évident, d’après ces idées, que le meilleur récitatif, dans quelque langue que ce soit, si elle a d’ailleurs les conditions nécessaires, est celui qui approche le plus de la parole ;