Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t9.djvu/358

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l’habitude ou de l’éducation changent souvent, par des conventions arbitraires, l’ordre des beautés naturelles. Quant à ce Goût, on en peut disputer, parce qu’ il. n’y en a qu’un qui soit le vrai : mais je ne vois gueres d’autre moyen de terminer la Mute que celui de compter les voix, quand on ne convient plus même de celle de la Nature. Voilà donc ce qui doit décider de la préférence entre la Musique Françoise & l’ Italienne.

Au reste, le Génie crée, mais le Goût choisit : & souvent un Génie trop abondant a besoin d’ un Censeur sévere qui l’empêche d’abuser de ses richesses. Sans Goût on peut faire de grandes choses ; mais c’est lui qui les rend intéressantes. C’est le Goût qui fait saisir au Compositeur les idées du Poete ; c’est le Goût qui fait saisir à l’Exécutant les idées du Composteur ; c’est le Goût qui fournit à l’un & à l’autre tout ce qui peut orner & faire valoir leur sujet ; & c’est le Goût qui donne à l’Auditeur le sentiment de toutes ces convenances. Cependant le Goût n’ est point la sensibilité. On peut avoir beaucoup de Goût avec une ame froide, & tel homme transporté des choses vraiment passionnées est peu touché des gracieuses. Il semble que le Goût s’ attache plus volontiers aux petites expressions, & la sensibilité aux grandes.

GOUT-DU-CHANT. C’est ainsi qu’on appelle en France l’Art de Chanter ou de jouer les Notes avec les agrémens qui leur conviennent, pour couvrir un peu la fadeur du Chant François. On trouvé à Paris plusieurs Maîtres de Goût- de-Chant, & ce Goût a plusieurs termes qui lui sont propres ; on trouvera les principaux au mot AGREMENS.