Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/46

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ont-elles été saisies d’une frayeur mortelle en voyant couler le sang de leurs plus chers défenseurs ? Semblables à l’infortunée Cassandre des Poetes, jusqu’à quand ce Peuple ingrat & incrédule les rejettera-t-il honteusement ? Le Juif aveugle a laissé en passer en des mains étrangeres le précieux dépôt de la Religion & Lettres. Il se repaît ales chimeres de la cabale & des rêveries du Talmud : son ignorance fait sans doute son bonheur, il en est devenu moins avare, moins brigand, moins perfide.

Est-il nécessaire, Messieurs, de chercher d’autres preuves ; ferai-je le récit ennuyeux de ce qui s’est passe chez toutes les Nations ? Parcourerai-je l’histoire des héros de la Scélératesse, pour vous convaincre de ce que vous ne sauriez ignorer que l’homme a un fond de méchanceté qui se suffit à lui-même sans le secours des Sciences ? Que pourvoient-elles ajouter à l’ambition de Sémiramis, à la cruauté de Cléopatre, à la perfidie de Mithridate, ou à l’extrême dépravation de tant d’autres ?

Si nos adversaires veulent s’en rapporter aux faits & à l’expérience, qu’ils se transportent en Asie. Les Lettres y ont régné sur le rivage opposé à l’Europe ; mais leur lumiere n’a pas brillé au-delà, ou elle n’y a lancé que de foibles rayons : Cependant depuis ce tems-là toute cette région n’a-t-elle pas été agitée par de violentes secousses ? Combien de fois a-t-elle changé de maître, & que de révolutions a-t-elle éprouvées ? Qu’on demande aux Chaldéens, aux Assyriens, aux Perses, aux Macédoniens, aux Romains si les Lettres contribuent jamais à ces désastres. Mais pourquoi recourir à