Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/60

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leurs caracteres, leurs desirs, leurs besoins, leur amour-propre. L’expérience a marqué ce qui déplaît. On a analysé les agrémens, dévoilé leurs causes, apprécié le mérite, distingué ses divers degrés. D’une infinité de réflexions sur le beau, l’honnête & le décent, s’est formé un art précieux, l’art de vivre avec les hommes, de tourner nos besoins en plaisirs, de répandre des charmes dans la conversation, de gagner l’esprit par ses discours & les durs par ses procédés. Egards, attentions, complaisances, prévenances, respect, autant de liens qui nous attachent mutuellement. Plus la politesse s’est perfectionnée, plus la société a été utile aux hommes ; on s’est plie aux bienséances, souvent plus puissantes que les devoirs ; les inclinations sont devenues plus douces, les caracteres plus lians, les vertus sociales plus communes. Combien ne changent de dispositions, que parce qu’ils sont contraints de paroître en changer ! Celui qui a des vices est obligé de les déguiser : c’est pour lui un avertissement continuel qu’il n’est pas ce qu’il doit être ; ses mœurs prennent insensiblement la teinte des mœurs reçues. La nécessité de copier sans cessé la vertu, le rend enfin vertueux ; ou du moins ses vices ne sont pas contagieux, comme ils le seroient, s’ils se présentoient de front avec cette rusticité que regrette mon adversaire.

Il dit que les hommes trouvoient leur sécurité dans la facilité de se pénétrer réciproquement, & que cet avantage leur épargnoit bien des vices. Il n’a pas considéré que la Nature humaine n’étant pas meilleure alors, comme il l’avoue, la rusticité n’empêchoit pas le déguisement. On en a