Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/263

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tant que durera l’inquiétude où je suis. La confiance dont vous parlez, n’est plus, & il ne vous sera pas aisé de la recouvrer. Je ne vais à présent dans votre empressement que le désir de tirer des aveux d’autrui, quelqu’avantage qui convienne à vos vues, & mon cœur si prompt à s’épancher dans un cœur qui s’ouvre pour le recevoir, se ferme à la ruse & à la finesse. Je reconnois votre adresse ordinaire dans la difficulté que vous trouvez à comprendre mon billet. Me croyez-vous assez dupe pour penser que vous ne l’ayez pas compris ? Non ; mais je saurai vaincre vos subtilités à force de franchise. Je vais m’expliquer plus clairement, afin que vous m’entendiez encore moins."

"Deux amans bien unis & dignes de s’aimer me sont chers : je m’attends bien que vous ne saurez pas qui je veux dire, à moins que je ne vous les nomme. Je présume qu’on a tenté de les désunir, & que c’est de moi qu’on s’est servi pour donner de la jalousie à l’un des deux. Le choix n’est pas fort adroit, mais il a paru commode à la méchanceté, & cette méchanceté, c’est vous que j’en soupçonne. J’espère que ceci devient plus clair."

"Ainsi donc la femme que j’estime le plus, auroit, de mon su, l’infamie de partager son cœur & sa personne entre deux amans, & moi celle d’être un de ces deux lâches ? Si je savois qu’un seul moment de la vie vous eussiez pu penser ainsi d’elle & de moi, je vous hairois jusqu’à la mort. Mais c’est de l’avoir dit, & non de l’avoir cru que je vous taxe. Je ne comprends pas en pareil cas, auquel c’est des trois que