Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/278

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aussi doux d’être le confident que l’objet de ses amours & je n’ai jamais un moment regardé son amant comme mon rival, mais toujours comme mon ami. On dira que ce n’étoit pas encore là de l’amour : soit ; mais c’étoit donc plus.

Pour St. L[...]t, il se conduisit en honnête-homme & judicieux : comme j’étois le seul coupable, je fus aussi le seul puni & même avec indulgence. Il me traita durement, mais amicalement, & je vis que j’avois perdu quelque chose dans son estime mais rien dans son amitié. Je m’en consolai, sachant que l’une me seroit bien plus facile à recouvrer que l’autre & qu’il étoit trop sensé pour confondre une faiblesse involontaire & passagère avec un vice de caractère. S’il y avoit de ma faute dans tout ce qui s’étoit passé, il y en avoit bien peu. était-ce moi qui avois recherché sa maîtresse ? N’était-ce pas lui qui me l’avoit envoyée ? N’était-ce pas elle qui m’avoit cherché ? Pouvais-je éviter de la recevoir ? Que pouvais-je faire ? Eux seuls avoient fait le mal & c’étoit moi qui l’avois souffert. À ma place, il en eût fait autant que moi, peut-être pis : car enfin, quelque fidèle, quelque estimable que fût Mde. d’H[...]elle étoit femme ; il étoit absent, les occasions étoient fréquentes, les tentations étoient vives & il lui eût été bien difficile de se défendre toujours avec le même succès contre un homme plus entreprenant. C’étoit assurément beaucoup pour elle & pour moi, dans une pareille situation, d’avoir pu poser des limites que nous ne nous soyons jamais permis de passer.

Quoique je me rendisse au fond de mon cœur un témoignage