Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/353

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de mon cœur ; qu’on le perce, qu’on le déchire, qu’on brise ce fidele miroir de Julie, sa pure image ne cessera de briller jusque dans le dernier fragment ; rien n’est capable de l’y détruire. Non, la suprême puissance elle-même ne sauroit aller jusque-là, elle peut anéantir mon ame, mais non pas faire qu’elle existe & cesse de t’adorer.

Milord Edouard s’est chargé de te rendre compte à son passage de ce qui me regarde & de ses projets en ma faveur : mais je crains qu’il ne s’acquitte mal de cette promesse par rapport à ses arrangemens présents. Apprends qu’il ose abuser du droit que lui donnent sur moises bienfaits pour les étendre au delà même de la bienséance. Je me vois, par une pension qu’il n’a pas tenu à lui de rendre irrévocable, en état de faire une figure fort au-dessus de ma naissance ; & c’est peut-être ce que je serai forcé de faire à Londres pour suivre ses vues. Pour ici, où nulle affaire ne m’attache, je continuerai de vivre à ma maniere & ne serai point tenté d’employer en vaines dépenses l’excédent de mon entretien. Tu me l’as appris, ma Julie, les premiers besoins, ou du moins les plus sensibles, sont ceux d’un cœur bienfaisant ; & tant que quelqu’un manque du nécessaire, quel honnête homme a du superflu ?