Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/20

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guerriere passe chez la plupart des hommes pour la premiere vertu de Héros. Osons appeller de ce jugement aveugle au Tribunal de la raison, & que les préjugés, si souvent ses ennemis & ses vainqueurs, apprennent a lui céder a leur tour.

Ne nous refusons point à la premiere réflexion que ce sujet fournit, & convenons d’abord que les Peuples ont bien inconsidérément accorde leur estime & leur encens a la vaillance martiale, ou que c’est en eux une inconséquence bien odieuse de croie que ce soit par la destruction des hommes que les bienfaiteurs du genre-humain annoncent leur caractere. Nous sommes à la fois bien mal-adroits & bien malheureux, si ce n’est qu’a force de nous désoler qu’on peut exciter notre admiration. Faut donc croire que, si jamais les jours de bonheur & de paix renaissoient parmi nous, ils en banniroient l’HéroÏsme avec le cortege affreux des calamites publiques, & que les Héros seroient tous relégués dans le Temple de Janus, comme on enferme, après la guerre, de vieilles & inutiles armes dans nos Arsenaux.

Je sais qu’entre les qualités qui doivent former le grand homme, le courage est quelque chose ; mais hors du combat la valeur n’est rien. Le brave ne fait ses preuves qu’aux jours de bataille ; le vrai Héros fait la siennes tous les jours, & ses vertus, pour se montrer quelquefois en pompe, n’en sont pas d’un usage moins fréquent sous un extérieur plus modeste.

Osons le dire. Tant s’en faut que la valeur soit la premiere vertus du Héros, qu’il est douteux même qu’on la doive compter au nombre des vertus. Comment pourroit-on honorer de ce titre une qualité sur laquelle tant de scélérats ont fondé leurs