Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/265

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Le pouvoir du Prince étoit partagé entre le Conſul Vinius & Lacon Préfet du Prétoire. Mais Icelus affranchi de Galba, & qui ayant reçu l’anneau portoit dans l’ordre équeſtre le nom de Marcian, ne leur cédoit point en crédit. Ces favoris, toujours en diſcorde, & juſques dans les moindres choses ne conſultant chacun que ſon intérêt, formoient deux factions pour le choix du ſucceſſeur à l’Empire. Vinius étoit pour Othon. Icelus & Lacon s’uniſſoient pour le rejetter ſans en préférer un autre. Le Public qui ne ſait rien taire ne laiſſoit pas ignorer à Galba l’amitié d’Othon & de Vinius, ni l’alliance qu’ils projettoient entr’eux par le mariage de la fille de Vinius & d’Othon, l’une veuve & l’autre garçon ; mais je crois qu’occupé du bien de l’Etat, Galba jugeoit qu’autant eût valu laiſſer à Néron l’Empire que de le donner à Othon. En effet Othon négligé dans ſon enfance, emporté dans ſa jeuneſſe, ſe rendit ſi agréable à Néron par l’imitation de ſon luxe que ce fut à lui, comme aſſocié à ſes débauches, qu’il confia Poppée la principale de ses courtiſanes, jusqu’à ce qu’il ſe fût défait de ſa femme Octavie ; mais le ſoupçonnant d’abuſer de ſon dépôt il le relégua en Luſitanie sous le nom de Gouverneur. Othon ayant adminiſtré ſa province avec douceur paſſa des premiers dans le parti contraire ; y montra de l’activité, & tant que la guerre dura s’étant diſtingué par ſa magnificence, il conçut tout d’un coup l’eſpoir de ſe faire adopter ; eſpoir qui devenoit chaque jour plus ardent, tant par la faveur des gens de guerre par celle de la Cour de Néron qui comptoit le retrouver en lui.