Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/271

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que tout ce qui reſte à faire en faveur du Peuple Romain, c’eſt, pour moi, d’employer mes derniers jours à lui choiſir un bon maître, & pour vous, d’être tel durant tout le cours des vôtres. Sous les Empereurs précédens l’Etat n’étoit l’héritage que d’une ſeule famille ; par nous le choix de ſes chefs lui tiendra lieu de liberté ; après l’extinction des Jules & des Claudes l’adoption reste ouverte au plus digne. Le droit du ſang & de la naiſſance ne mérite aucune eſtime & fait un Prince au hazard : mais l’adoption permet le choix & la voix publique l’indique. Ayez toujours sous les yeux le sort de Néron, fier d’une longue ſuite de Céſars ; ce n’eſt ni le pays déſarmé de Vindex, ni l’unique Légion de Galba, mais ſon luxe & ſes cruautés qui nous ont délivrés de ſon joug, quoiqu’un Empereur proſcrit fût alors un événement ſans exemple. Pour nous que la guerre & l’eſtime publique ont élevés, ſans mériter d’ennemis, n’eſpérons pas n’en point avoir : mais après ces grands mouvemens de tout l’Univers, deux Légions émues doivent peu vous effrayer. Ma propre élévation ne fut pas tranquille, & ma vieilleſſe, la ſeule choſe qu’on me reproche, diſparoîtra devant celui qu’on a choiſi pour la ſoutenir. Je ſais que Néron ſera toujours regretté des méchans ; c’eſt à vous & à moi d’empêcher qu’il ne le ſoit auſſi des gens de bien. Il n’eſt pas tems d’en dire ici davantage & cela ſeroit ſuperflu ſi j’ai fait en vous un bon choix. La plus ſimple & la meilleure regle à ſuivre dans votre conduite, c’eſt de chercher ce que vous auriez approuvé ou blâmé ſous un autre prince. Songez qu’il n’en eſt pas ici comme des Mo-