Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/277

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Cependant les fréquens avis du progrès de la défection en Allemagne, & la facilité avec laquelle les mauvaiſes nouvelles s’accréditoient à Rome engagerent le Sénat à envoyer une députation aux Légions révoltées, & il ſut mis ſecrétement délibération ſi Piſon ne s’y joindroit point lui-même pour lui donner plus de poids, en ajoutant la majeſté impériale à l’autorité du Sénat. On vouloir que Lacon Préfet du prétoire fût auſſi du voyage, mais il s’en excuſa. Quant aux Députés, le Sénat en ayant laiſſé le choix à Galba, on vit par la plus honteuſe inconstance des nominations, des refus, des ſubſtitutions, des brigues pour aller ou pour demeurer ſelon l’espoir ou la crainte dont chacun étoit agité.

Ensuite il falut chercher de l’argent, &, tout bien peſé, il parut très-juſte que l’Etat eût recours à ceux qui l’avoient appauvri. Les dons verſés par Néron montoient à plus de ſoixante millions. Il fit donc citer tous les donataires, leur redemandant les neuf dixiemes de ce qu’ils avoient reçu, & dont à peine leur reſtoit-il l’autre dixieme partie : car également avides & diſſipateurs, & non moins prodigues du bien d’autrui que du leur, ils n’avoient conservé au lieu de terres & de revenus que les inſtrumens ou les vices qui avoient acquis & conſumé tout cela. Trente Chevaliers Romains furent prépoſés au recouvrement ; nouvelle magiſtrature onéreuſe par les brigues & par le nombre. On ne voyoit que ventes, huissiers ; & le peuple, tourmenté par ces vexations, ne laiſſoit pas de ſe réjouir de voir ceux que Néron