Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/399

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Et de leurs doigts légers rapidement touchée,
Coule à l’inſtant ſans peine, & file & s’embellit,
De mille & mille tours le fuſeau ſe remplit.
Qu’il paſſe les longs jours & la trame fertile
Du rival de Céphale & du vieux Roi de Pyle.
Phœbus, d’un chant de joie annonçant l’avenir
De fuſeaux toujours neufs s’empreſſe à les ſervir,
Et cherchant ſur ſa lyre un ton qui les ſéduiſe,
Les trompe heureuſement sur le tems qui s’épuiſe.
Puiſſe un ſi doux travail, dit-il, être éternel !
Les jours que vous filez ne ſont pas d’un mortel :
Il me ſera ſemblable & d’air & de viſage,
De la voix & des chants il aura l’avantage.
Des ſiecles plus heureux renaîtront à ſa voix ;
Sa loi fera ceſſer le ſilence des loix.
Comme on voit du matin l’étoile radieuſe
Annoncer le départ de la nuit ténébreuſe ;
Ou tel que le ſoleil diſſipant les vapeurs,
Rend la lumiere au monde & l’alégreſſe aux cœurs ;
Tel Céſar va paroître, & la terre éblouie
A ſes premiers rayons eſt déjà réjouie.

Ainſi dit Apollon, & la Parque honorant la grande ame de Néron, ajoute encore de ſon chef pluſieurs années à celles qu’elle lui file à pleines mains. Pour Claude, tous ayant opiné que ſa trame pourrie fût coupée, auſſi-tôt il cracha son ame & ceſſa de paroître en vie. Au moment qu’il expira il écoutoit des Comédiens ; par où l’on voit que ſi je les crains ce n’eſt