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Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/161

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LIVRE DEUXIÈME l5l

Il y a souvent bien de la différence entre la volonté de tous et la volonté générale ; celle-ci ne regarde qu'à l'intérêt commun ; l'autre regarde à l'intérêt privé, et n'est qu'une somme de volontés particulières ; mais ôtez de ces mêmes volontés les plus et les moins qui s'entre-détruisent (a), reste pour somme des différences la volonté générale ( 1 ).

nul n'est méchant volontairement. Tout homme tend natu- rellement vers ce qu'il considère comme son bien : aucune volonté ne peut être par conséquent corrompue, car cette tendance est naturelle, juste et nécessaire. Mais il arrive qu'on se trompe dans la détermination de ce bien : les méchants sont justement ceux qui, raisonnant mal, croient trouver leur bien dans des actions qui sont en réalité mauvaises et pour la société et pour eux-mêmes. L'erreur n'est donc pas dans la volonté, qui est toujours droite, mais dans l'intelligence.

{a) « Chaque intérêt, dit le Marquis d'Argenson, a des principes différents. L'accord de deux intérêts particuliers se forme par opposition à celui d'un tiers. » Il eût pu ajouter que l'accord de tous les intérêts se forme par opposition à celui de chacun. S'il n'y avait point d'intérêts différents, à peine sentirait-on l'intérêt commun, qui ne trouverait jamais d'obstacle ; tout irait de lui-même, et la politique cesserait d'être un art {Note de Rousseau).

(') Ce passage est très important, car il est la clef du chapitre suivant, et très difficile. Il a été très bien et très précisément expliqué par M. Haymann, J.-J. Rousseau's Sozialphilosophie, p. 166 et suiv. (Cf. Introd., chap. I, § 4)* — Si l'on considère simplement les volontés de tous les citoyens en tant qu'ils ne songent qu'à leurs intérêts pri- vés, on a la volonté de tous, assemblage incohérent, parce que, tous les intérêts particuliers étant différents, on ne peut en aucune façon comparer les volontés auxquelles ils servent de principes. Mais si les volontés se proposent pour but l'intérêt général, elles deviennent du même coup comparables: on peut les additionner, en éliminant les plus ou les moins qui s'entre-détruisent, et on saura ainsi

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