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Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/196

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l86 DU CONTRAT SOCIAL

L'autre de ces mesures, un rapport convenable pour donner à l'État sa véritable grandeur. Ce sont les hommes qui font lÉtat, et c'est le terrain qui nour- rit les hommes ; ce rapport est donc que la terre suffise à l'entretien de ses habitants, et qu'il y ait autant d'habitants oue la terre en peut nourrir ( 1 ). C'est dans cette proportion que se trouve le maxi- mum de force d'un nombre donné de peuple ; car s'il y a du terrain de trop, la garde en est onéreuse, la culture insuffisante, le produit superflu : c'est la cause prochaine des guerres défensives ; s'il n'y en a pas assez, l'Etat se trouve pour le supplément à la discrétion de ses voisins : c'est la cause prochaine des guerres offensives. Tout peuple qui n'a, par sa position, que l'alternative entre le commerce ou la guerre, est faible en lui-même ; il dépend de ses voisins, il dépend des événements ; il n'a jamais qu'une existence incertaine et courte. Il subjugue et change de situation, ou il est subjugué et n'est rien. Il ne peut se conserver libre qu'à force de petitesse ou de grandeur (*).

On ne peut donner en calcul un rapport fixe entre l'étendue de terre et le nombre d'hommes qui se suffisent l'un à l'autre, tant à cause des différences qui se trouvent dans les qualités du terrain, dans ses degrés de fertilité, dans la nature de ses pro- ductions, dans l'influence des climats, que de celles qu'on remarque dans les tempéraments des hommes

(') Rousseau comptait surtout sur l'agriculture pour nourrir un peuple, comme on le voit notamment par ses projets d'institutions pour la Corse.

{-) L'histoire de l'Angleterre moderne, par exemple, ne contredit-elle pas cette théorie ?

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