Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/28

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l8 INTRODUCTION

inflexibilité que jamais aucune force humaine ne pût vaincre, la dépendance des hommes redeviendrait alors celle des choses ; on réunirait dans la république tous les avantages de Vètat naturel à ceux de Vétat civil.... (*) » Il faut donc imaginer une société où « la loi soit au- dessus de l'homme (-) », où les hommes lui obéissent absolument et n'obéissent qu'à elle, et retrouvent, en passant de l'état naturel à l'état social, « l'équivalent de tout ce qu'on perd, et plus de force pour conserver ce qu'on a ( 3 ) ».

Comment un tel problème peut-il être résolu ? N'est- il pas contradictoire de prétendre conserver dans une société, qui suppose nécessairement l'autorité, les biens

(!) Emile, II, p. 117.

( 2 ) Lettre auM u de Mirabeau, citée plus haut.

( 3 ) C. s.,I,vi. — On voit que la contradiction souvent signalée entre le Discours sttr l'inégalité et le Contrat social n'est pas réelle/. Les deux ouvrages ne se placent pas au même point de vuerTun étudie le fait, c'est-à-dire la corruption de l'état de nature qu'a entraînée pour les hommes la vie sociale ; l'autre étudie le droit, c'est-à-dire la possibilité d'organiser une société où soient conservés et accrus les biens de l'étal de nature. Rous- seau a donc pu se montrer, dan9 le premier ouvrage, aussi sévère à l'égard de la société, qu'il est enthousiaste dans le second. C'est ce qu'a très bien vu et exprimé Kant, en se plaçant à un point de vue un peu différent : « On peut mettre d'accord entre elles et avec la raison les assertions souvent mal comprises et en appa- rence contradictoires de l'illustre J.-J. Rousseau. Dans ses écrits sur Y Influence des sciences et sur l' Inégalité des hommes/û mon- tre très justement l'inévitable conflit de la culture avec la nature du genre humain, considéré comme espèce animale....', mais, dans son Emile, son Contrat social et d'autres écrits, il cherche en retour à résoudre le difficile problème que voici : comment la culture doit se poursuivre pour développer les dispositions de l'humanité, en tant qu'espèce morale, dans le sens de leur desti- nation, de telle sorte que l'humanité, comme espèce morale, ne soit plus en opposition avec l'humanité comme espèce natu- relle... » (Muthmasslicher Anfang der Menschengeschichte (1786), éd. Hartenstein, IV, p. 322, cité par Delbos, Essai sur la formation de la morale de Kant, p. 123).

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