LIVRE QUATRIÈME '5o5
devant un simple officier du peuple, qui n'avait ni auspices ni juridiction (').
Le tribunat, sagement tempéré, est le plus terme appui dune bonne constitution; mais pour peu de force qu'il ait de trop, il renverse tout; à l'égard de la faiblesse, elle n'est pas dans sa nature, et, pourvu qu'il soit quelque chose, il n'est jamais moins qu'il ne faut.
Il dégénère en tyrannie quand il usurpe la puis- sance executive, dont il n'est que le modérateur, et qu'il veut dispenser les lois qu'il ne doit que protéger. L'énorme pouvoir des éphores, qui fut sans danger tant que Sparte conserva ses mœurs, en accéléra la corruption commencée. Le sang d'Agis, égorgé par ces tyrans, fut vengé par son successeur ; le crime et le châtiment des éphores hâtèrent également la perte de la république, et, après Cléomène, Sparte ne fut plus rien ( 2 ). Rome périt encore par la même voie, et le pouvoir excessif des tribuns, usurpé par degrés, servit enfin, à l'aide des lois faites pour la liberté, de sauvegarde aux empereurs qui la détrui- sirent ( 3 ). Quant au conseil des Dix, à Venise, c'est un tribunal de sang, horrible également aux patriciens et au peuple, et qui, loin de protéger hau- tement les lois, ne sert plus, après leur avilissement,
(M Les tribuns du peuple romain n'avaient ni insignes, ni faisceaux, ni licteurs ; on ne prenait pas les auspices pour leur élection, parce que leur magistrature était d'origine plébéienne. Ils avaient cependant certains pouvoirs judi- ciaires.
( 2 ) Voir l'histoire des révolutions de Sparte sous Agis et Cléomène, à la lin du m' siècle av. J.-C.
( 3 ) César et Auguste se firent revêtir de la puissance tribunitienne, et leurs successeurs les imitèrent.
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