Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/42

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32 INTRODUCTION

obéir à la raison : la liberté se limite donc elle-même du moment qu'elle a pour condition d'être raisonnable. La volonté morale ne peut en effet nous commander que selon « des maximes que nous puissions ériger en lois universelles » et elle ne peut, sans détruire ses carac - tères formels, méconnaître la dignité morale qui fait de l'homme « une fin et non un moyen ». Ainsi la loi morale de Kant, toute formelle et uniquement fondée sur la liberté, a cependant des bornes qu'elle ne peut franchir sans s'anéantir. De même, la loi civile, selon Rousseau, ne peut imposer que des obligations univer- selles, également applicables à tous, sous peine de perdre les caractères qui lui assurent notre respect. La souveraineté populaire est limitée,comme la volonté individuelle, par la raison elle-même : elle peut bien s'en écarter en fait, mais alors il n'y a plus de droit. « 11 n'y a peut-être jamais eu, dit Kant, un seul acte parfaitement moral Ç). » « En examinant bien les choses, dit Rousseau, on trouverait que très peu de nations ont des lois ( 2 ). » De même que Kant a voulu déterminer les conditions nécessaires de la pure mora- lité, de même Rousseau a prétendu enseigner à quelles conditions le droit pourrait être une réalité sociale ; et tous les deux aboutissent à peu près à la même conclusion : il faut i° la liberté du sujet, 2° l'univer- salité de la loi.

Ce n'est donc pas réfuter suffisamment le système de Rousseau que de soutenir qu'il est inapplicable. Mais faut-il même admettre que ses théories n'ont aucune espèce de valeur et d'intérêt pratique et qu'elles ne représentent qu'un idéal inaccessible ? Avant d'es- sayer de répondre à cette question, il convient d'étudier par quels moyens Rousseau croyait possible d'en pré- parer la réalisation.

(*) Fond, de la Métaphysique des Mœurs, sect. II. ( 2 ) C. s., III, xv.

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