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S6 INTRODUCTION

et que chacun en retire également la sûreté, le bien- être et la liberté qui lui sont dus en échange de ses sacrifices ; d'autre part, assurer- la manifestation de la volonté générale, qui fait la loi, et, pour cela, surveiller les mœurs, empêcher les brigues, organiser les assem- blées et maintenir à la volonté générale son indépen- dance et sa pureté. Le prince n'a donc d'autre puissance que celle que lui confère le souverain et il la doit tout entière dépenser, conformément à la loi, pour le bien de tous ( 1 ). On comprend combien est difficile une telle organisation : la moindre erreur paralysera l'Etat ou détruira la liberté. C'est ici qu'il faut introduire dans la politique tout cet art des combinaisons ingénieuses, tous ces accommodements aux milieux, aux climats, aux mœurs, etc., que Montesquieu goûtait si fort et que Rousseau regarde comme l'essentiel de l'art du législa- teur ( 2 ). Ce ne sera pas trop, d'ailleurs, pour assurer le bon fonctionnement de la machine gouvernementale, que d'établir des corps spéciaux de magistrats unique- ment chargés de maintenir entre le peuple et le prince les rapports nécessaires : tel devrait être le rôle d'une sorte de tribanat ( :t ) .

L'organisation politique, simplement esquissée par Rousseau au III e et au IV e livre du Contrat, se trouve ainsi déduite des principes généraux précédemment posés. La raison d'être de toutes ces institutions est

(*) C. s., III, i, ii et passim.

(-) Voir les théories subtiles et compliquées du livre III. M. Faguet {La polit, comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire, p. 66 et passim) reproche à Rousseau la « simplicité » de son système et y oppose la savante complexité de celui de Montesquieu. Je crois que le reproche n'est pas fondé ; ils ne mettent pas la complication au même endroit, voilà tout. Mon- tesquieu l'introduisait à la base de l'Etat, par la division des pouvoirs ; Rousseau, pour qui la souveraineté est nécessaire- ment une, regarde comme « un chef-d'œuvre de législation » la seule organisation du gouvernement.

( 3 ) C. s., IV, v.

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