Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/51

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INTRODUCTION 4 1

pas de petites sociétés dans la grande ; l'individu seul en présence de l'État tout puissant. C'est en effet que la vertu a sa source, selon Rousseau, dans la nature et non dans la société, et que c'est au tond de sa conscience que le citoyen trouvera la lumière dont sa volonté a besoin. Ce n'est pas de l'étude et de la science qu'on peut tirer les règles les plus sûres de la vie : il est donc inutile que les hommes se groupent et s'entr'aident pour penser, pour creuser les problèmes sociaux et pour taire prévaloir les solutions qui leur sont chères. L'homme ne jouira vrai- ment des bienfaits de la vie sociale que s'il conserve les vertus de la nature, s'il reste pauvre, simple, igno- rant et sensible, et n'écoute d'autre voix que celle de sa conscience individuelle. 11 en est, pour Rousseau, de la vérité politique comme de la vérité religieuse : elle n'est pas l'œuvre des Églises ni des Conciles, mais elle réside dans le for intérieur de l'homme et, c'est en s'isolant, non en s'associant à autrui, que chacun de nous peut la découvrir et la manifester.

Enfin, c'est cette même idée de la nature et de la vertu qui explique, je crois, la rigueur intolérante du chapitre sur la Religion civile (*). A l'homme primi- tif, c'est sous la forme du sentiment que la nature commande. De même la raison n'aura d'efficacité sur l'homme civilisé que si elle prend pour appui le senti- ment naturel. La raison pure est impuissante : il n'y a point de morale individuelle ni sociale qui ne vienne du cœur. 11 faudra donc, de toute nécessité, constituer un

(*) M. A. Bertrand (le Texte primitif du Contrat social), soutient que ce chapitre est en réalité une apologie relative de la tolérance, qu'il est surtout inspiré par la pensée du sort ini- que des protestants en France, et que Rousseau demande la mort de l'athée par une concession « de pure forme » aux idées d'alors et pour prouver qu'il ne va pas jusqu'à l'athéisme. Je crois qu'il faut l'expliquer, comme je le montre ici, par des raisons beaucoup plus intérieures. En tout cas, les contemporains eux- mêmes, Voltaire notamment, ont crié à l'intolérance, en le lisant.

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