Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/53

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politique, pédagogique, religieuse de la société. Mais aucune de ces idées n’est essentielle au système : elles ne rentrent même pas rigoureusement dans le plan du Contrat social ; on peut les écarler sans toucher aux principes fondamentaux dont Rousseau a prétendu donner la démonstration rationnelle et presque mathématique. Examinons donc ces principes eux-mêmes.



L’idée même du contrat social doit à Rousseau sa popularité, mais il n’en est pas l’inventeur [1] : bien comprise, c’est-à-dire considérée non comme une explication historique de l’origine des sociétés, mais seulement comme une justification théorique des droits des individus et de l’Etat, elle s’est trouvée l’expression naturelle et presque nécessaire de toutes les théories démocratiques et libérales. On ne peut guère la combattre — et on ne l’a combattue en effet ( 2 ) — qu’en cherchant dans une autorité surnaturelle le fondement légitime des sociétés et en refusant de leur donner pour principe l’intérêt ou la raison. En dehors du droit divin, on ne peut guère justifier l’autorité civile qu’en montrant qu’elle a pour raison d’être l’intérêt, pour base la volonté expresse ou tacite des citoyens. Aussi la

(1)

(2) On en trouve une dernière réfutation — radicale et détaillée — dans l’encyclique « Diutumum » du pape Léon XIII (29 juin 1881), sur « l’origine du pouvoir civil ». Léon XIII y condamne toutes les théories modernes qui prétendent faire dériver d’un contrat l’autorité politique : on doit revenir à la doctrine qui rapporte à Dieu seul le principe de toute autorité politique ; c’est cette doctrine, en fait et en droit également avantageuse aux rois et aux peuples, qui peut seule assurer la paix publique et prévenir les maux dont nous menacent d’horribles sectes, le communisme, le socialisme, le nihilisme, « civilis hominum societatis teterrima portenta ac pêne funera ». Cf. Bossuet, 3 e avertissement aux protestants.

  1. Voir le chapitre suivant.