Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/276

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dominateur du christianisme était incompatible avec son systéme, et que l’intérét du prétre serait toujours plus fort que celui de l’Etat. Ce n’est pas tant ce qu’il y a d’horrible et de faux dans sa politique, que ce qu’il y a de juste et de vrai, qui l’a rendue odieuse (a) (1).

qu’en une cité parfaite (c’est-A-dire en un Etat bien policé, ou aucun particulier n’a le droit de se servir de ses propres forces comme il lui plaira pour sa propre conservation, ce que ie dirai en d’autres termes ou le droit du glaive privé est oté) il faut qu’il y ait une certaine personne qui posséde une puissance supreme la plus haute que les hommes puissent raisonnablement conférer et meme qu’ils puissent recevoir; or cette sorte d’autorité est celle qu’on nomme absolue.

Wanaunrox, Deuxième dissertation. — Hobbes, quoique accusé d’athéisme, semble avoir pénétré plus avant dans cette matiére que le Stratonicien de Bayle. ll paralt qu’il a senti que l’idée de morale renfermait nécessairement celle d’obligation, l’idée d’obligation celle de loi et l’idée de loi celle de législateur. C’est pourquoi, aprés avoir en quelque sorte banni le législateur de l’univers, il a iugé A propos, afin que la moralité des actions ne restat pas sans fondement, de faire intervenir son grand monstre qu’il appelle le Leviathan, et d’en faire le créateur et le soutien du bien et du mal moral.

(a) Voyez, entre autres, dans une lettre de Grotius A son frére, du ll avril 1643, ce que ce savant homme approuve et ce qu’il blame dans le livre de Cive. Il est vrai que, porté A Pindulgence, il parait pardonner A l’auteur le bien en faveur du mal, mais tout le monde n’est pas si clément. (Note du Contrat social, édition de 1762.) — Lettre de Grotius écrite en latin A son frére et datée du ll avril [643 : it J’ai vu le traité du citoyen. Je goute ce qu’il dit en faveur des Rois, mais je ne saurais approuver les fondements sur lesquels il appuie ses opinions. Il croit que tous les hommes sont na- turellement en état de guerre et il établit quelques autres choses qui ne _ s’accordent pas avec mes principes. Car il va iusqu’A soutenir qu’il est du ? devoir de chaque particulier de suivre la religion admise dans sa patrie, sinon en y adhérant de coeur, du moins en s’y soumettant par obéissance. Il y a dans cet auteur d’autres choses encore que ie ne peux approuver. »

(1) Hobbes,De Cive, La Religion, chap. xv. —· ...Chaque citoyen a transféré de son droit à celui ou à ceux qui commandent dans l’Etat, autant qu’il a pu en transférer. Or rien n’a empéché qu’il n’ait transporté le droit de déterminer la manière en laquelle il faut honorer Dieu, d’où je conclus que le transport en a été fait réellement...

Encore que les rois n’interpretent pas eux-mêmes la parole de Dieu, néanmoins la charge de l’interpréter peut dépendre de leur autorité ; de sorte que ceux qui la leur veulent ôter à cause qu’ils ne la peuvent pas toujours exercer eux-mêmes sont aussi bien fondés que s’ils prétendaient qu’un souverain ne peut pas dresser des chaires en mathématiques, qui dépendent de son autorité royale, s’il n’est lui-même un grand mathématicien.

...Christ n’a pas reçu du Père une autorité royale en ce monde, mais