Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mis au net ce qui existait de ses Institutions politiques, cet ouvrage qu’il méditait depuis si longtemps, qui devait mettre le sceau à sa réputation, mais qui n’était encore guere avancé, bien qu’il y eut déja cinq ou six ans qu’il y travaillât. En recopiant et en rajustant les membres épars, les pages qui plus tard, détachées des Institutions, devaient former le Contrat social, il avait pu y comprendre les passages déja parus dans l’Économie sous leur forme primitive et sans y noter les légeres corrections qu’il y avait faites en corrigeant les épreuves de l’article en composition pour l’Encyclopédie[1]. Cette conjecture en vaut une autre, mais ce n’est qu’une conjecture, et il est d’autant moins possible de formuler une appréciation sinon certaine, au moins vraisemblable, sur la date où le manuscrit de Genève a été rédigé, que ce document tel que nous le connaissons, étant incomplet, ne nous donne pas une idée exacte de l’état d’achèvement du Contrat social au moment de la mise au net.

Car il ne faut pas oublier que l’écrit que nous possédons sous ce titre n’a été pendant longtemps qu’un fragment de l’ouvrage bien plus étendu qui devait porter le nom d’Institutions politiques. Ce qui serait intéressant à connaître, c’est moins la date de composition du manuscrit que celle des divers morceaux dont il est formé. À quel moment précis Rousseau abandonna-t-il son vaste projet pour se restreindre aux proportions plus modestes, mais peut-être plus efficaces, des Principes du droit politique, et quel devait étre le plan de ce nouvel ouvrage ? C’est ce qu’il nous faut maintenant examiner.

Nous avons montré Rousseau, à son arrivée à Montmorency, passant la revue des ébauches qu’il avait sur le chantier, parmi

  1. On verra, dans l’Appendice I, que plusieurs passages du manuscrit de Genève (chapitre 11) se retrouvent dans l’article Droit naturel, morale, qui a paru sans signature avec l’article sur l’Économie poIitique, signé de Rousseau, dans le tome V de l’Encyclopédie. Si cet article anonyme devait être attribué à Diderot, il faudrait en conclure que le manuscrit qui s’y réfère lui est postérieur. Si, au contraire, Rousseau a collaboré à l‘article (ce qui est fort possible, car il aidait alors Diderot dans la publication de l’Encyclopédie), toutes les hypothèses sont également vraisemblables. Rousseau a pu utiliser le manuscrit pour l’article ou l’article pour le manuscrit ; il se pourrait aussi (et c’est même la supposition la plus probable) que les développements analogues du manuscrit et de l’article aient été tirés d’un brouillon antérieur à l‘un et à l’autre et qui ne nous est pas parvenu.