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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/345

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278 DU CONTRAT SOCIAL. du peuple, et que, méme sous le plus violent despotisme, il ne peut violer son serment sans relever a l’instant ses sujets du leur. [ Quand un peuple serait assez stupide pour ne rien stipuler en échange de son obéissance, sinon le droit de lui commander, encore ce droit serait·il conditionnel par sa nature. Pour éclaircir cette vé- rité, il faut bien remarquer que ceux qui prétendent qu’une promesse 4 gratuite oblige rigoureusement le promettant distinguent pourtant avec soin les promesses purement gratuites de celles qui renferment I quelques conditions tacites mais évidentes; car, en ce dernier cas, ” ils conviennent tous que la validité des promesses dépend de l’exé- cution de la condition sous-entendue, comme quand un homme l s’engage au service d’un autre, il suppose évidemment que cet autre le nourrira. De méme un peuple qui se choisit un ou plusieurs 1 chefs et promet de leur obéir suppose évidemment qu’ils ne fe- ront de sa liberté qu’il leur aliene qu’un usage avantageux pour l lui·méme, sans quoi ce peuple étant insensé, ses engagements se- raient nuls a 1’égard de la méme aliénation extorquée par force; i’ai p montré ci·devant qu’elle est nulle, et qu’on n’est obligé d’obéir a la force qu’aussi longtemps qu’on y est contraint (a). l Il reste donc touiours a savoir si les conditions sont remplies, et par conséquent si la volonté du prince est bien la volonté générale, question dont le peuple est le seul juge; ainsi, les lois sont comme ° l’or pur, qu’il est impossible de dénaturer par aucune opération, et l que la premiere épreuve rétablit aussitot sous sa forme naturelle. De ° · plus, il est contre la nature de la volonté qui n’a point d’empire sur elle·méme de s’engager pour l’avenir; on peut bien s’obliger a faire, l mais non pas a vouloir, et il y a bien de la différence entre exécuter j ce qu’on a promis a cause qu’on l’a promis, et le vouloir encore r quand méme on ne l’aurait pas promis auparavant. Or, la loi d’au· jourd’hui ne doit pas étre un acte de la volonté d’hier, mais de celle d’aujourd’hui, et nous sommes engagés a faire non pas ce que tous ( ont voulu, mais ce que tous veulent, attendu que les résolutions du l souverain, comme souverain,ne regardant que lui-méme(x),il est tou- jours libre d’en changer; d’oi1 il suit que quand la loi parle au nom l du peuple, c’est au nom du peuple d’a présent, et non de celui d’au· l trefois. Les lois, quoique regues, n’ont une autorité durable qu’autant » que le peuple, étant libre de les révoquer, ne le fait pourtant pas, ce Q qui prouve le consentement actuel. Il n’est pas douteux non plus ‘ que dans le cas supposé, les volontés publiques du prince légitime I n’obligent les particuliers qu’aussi longtemps que la nation, pouvant l s’assembler et s’y opposer sans obstacle, ne donne aucun signe de p désaveu (b). ` (t) Ne peuvent Pobligcr envers autrui. (a) Voir Contrat social, liv. I, chap. tv. (b) Voir Contrat social, liv. I, chap. vu. ....-ni