Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/378

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APPENDICE II. 3o5 Ia possession de tout l`univers s’il en était (1) llunique habitant. Quoi ? sou estomac dévorera-t-il tous les fruits de la terre? Qui lui rassem— bIera (2) les productions de tous les climats? qui portera Ie témoignage de son empire dans les vastes solitudes qu’il n’habitera point? Que fera—t-il de ses trésors, qui consommera ses denrées, A quels yeux étalera·t-il son pouvoir? J’entends. Au lieu de tout massacrer, il met- tra tout dans les fers pour avoir au moins des esclaves.Cela a changé A I’instant tout l’état de la question et puisqu’il n’est plus question de détruire, l’état de guerre est anéanti. - Que Ie lecteur suspende ici son jugement. Je n’oublierai pas de traiter ce point. L’homme est naturellement pacifique et craintif, au moindre danger son premier mouvement est de fuir (a); il ne s’aguerrit qu’A force d’habitude et d’expérience. L’honneur, I’intérét, les préjugés, la vengeance, toutes les passions (3) qui peuvent lui faire braver les périls et la mort sont loin de lui dans l’état de nature. Ce n’est qu’aprés avoir fait société avec quelque homme qu’il se détermine A en atta- . quer un autre et il ne devient soldat qu’apres avoir été citoyen (4). On ne voit pas IA de grandes dispositions (5) A faire la guerre A tous ses semblables. Mais c’est trop m’arréter sur un systeme aussi révoltant qu’absurde qui a déjA une fois été réfuté. Il n’y a donc point de guerre générale d’homme A homme et I’es· péce humaine n’a pas été formée uniquement pour s’entre·détruire; reste A considérer la guerre accidentelle et particuliére qui peut naitre entre deux ou plusieurs individus. Si la loi naturelle n’était écrite que dans Ia raison humaine elle serait peu capable de diriger Ia plupart de nos actions, mais elle est encore gravée dans le cceur de l’homme en caractéres ineffacables et c’est IA qu’elIe lui parle plus fortement que tous les préceptes des philosophes (6). C’est lA qu’eIle lui crie qu’il ne lui est permis de sacri- {ier la vie de son semblable qu’A la conservation de la sienne et qu’elle lui fait horreur de verser le sang de I’humanité sans colere meme quand il s’y voit obligé, Je congois que dans les querelles sans arbitres qui peuvent s’éle· ver dans l’état de nature un homme irrité pourra quelquefois en tuer un autre soit A force ouverte, soit par surprise; mais s’il s’agit d’une guerre véritable, qu’on imagine dans quelle étrange position doit étre ce méme homme pour ne pouvoir conserver sa vie qu’aux dépens de celle d’un autre et que par un rapport établi entre eux il (t) Seul d eu jouir. (2) Pour lui seul. (3) Motifs. (4) Voild lc vrai progrés de Ia nature. (5) Naturclle:. (6} Dc ses aemblables. (a) Voir Ie Discour: sur Fluégalité. zo