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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/424

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APPEND ICE IV. 35r point de semblables, quand on craint d’honorer la vérité. Je défen- drai donc avec coniiance la cause de l’humanité devant les sages qui m’y invitent, et je ne serai pas mécontent de moi-méme si je me rends digne de mon sujet et de mes juges. Je concois dans l’espéce humaine deux sortes d’inégalités : 1’une, que j’appel1e naturelle ou physique, parce qu’elle est établie par la nature, et qui consiste dans la diH`érencc des ages, de la santé, des forces du corps et des qualités de l’esprit ou de l’ame; l’autre, qu’on peut appeler inégalité morale ou politique, parce qu’elle dépend d’une sorte de convention, et qu’elle est établie ou du moins autorisée par le consentement des hommes. Celle-ci consiste dens les diilérents privileges dont quelques-uns jouissent au préjudice des autres,comme d’étre plus riches, plus honorés, plus puissants qu’eux, ou méme de s’en faire obéir. On ne peut pas demander quelle est la source de l’inéga1ité natu- relle, parce que la réponse se trouverait énoncée dans la simple défi- nition du mot. On peut encore moins chercher s’il n’y aurait point quelque liaison essentielle entre les deux inégalités; car ce serait demander, en d’autres termes, si ceux qui commandent valent néces- sairement mieux que ceux qui obéissent, et si la force du corps ou de l’esprit, la sagesse ou la vertu, se trouvent toujours dans les mémes individus en proportion de la puissance ou de la richesse: question bonne peut-étre a agiter entre des esclaves cntendus de leurs maitres, mais qui ne convient pas a des hommes raisonnables et libres qui cherchent la vérité. De quoi s’agit·il donc précisément dans ce Discours? De marquer dans le progrés des choses le moment ou le droit succédant a la vio- lence, la nature fut soumise a la loi; d’exp1iquer par quel enchaine· ment de prodiges le fort put se résoudre a servir le faible, et le peuple a acheter un repos en idée au prix d’une félicité réelle. Les philosophes qui ont examiné les fondements de la société ont tous senti la nécessité de remonter jusqu’a l’état de nature, mais au- cun d’eux n’y est arrivé. Les uns n’ont point balancé a supposer a . l’homme, dans cet état, la notion du juste et de l’injuste, sans se soucier de montrer qu’il dat avoir cette notion, ni méme qu’elle lui fat utile. D‘autres ont parlé du droit naturel que chacun a de conser- ver ce qui lui appartient, sans expliquer ce qu’ils entendaient par appartenir. D’autres, donnant d’abord au plus fort l’autorité du plus faible, ont aussitét fait naitre le gouvernement, sans songer au temps qui dut s’écouler avant que le sens des mots d’autorité et de gouver- nement put exister parmi les hommes. Enfin tous, parlant sans cesse de besoin, d’avidité, d’oppression, de désir et d’orgueil, ont trans- Dijon : Quelle est Forigine de l’inégal£te' parmi les hommes et si elle est autorisée par Ia loi naturelle? Le Discours de Rousseau n’obtint pas le prix: ll fut décerné a cclui de M. l‘abbé Talbert (publié en 1754, in·8• de 35 pages). vn L 1