Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/459

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386 DU CONTRAT SOCIAL. tue est général, et la volonté qui statue est aussi générale. Nous exa- minerons s’il y a quelque autre espéce d’acte qui puisse porter le nom de loi. Si le souverain ne peut parler que par des lois, et si la loi ne peut iamais avoir qu’un objet général et relatif également a tous les mem- bres de l’Etat, il s’ensuit que le souverain n’a iamais le pouvoir de rien statuer sur un objet particulier; et, comme il importe cependant a la conservation de l’Etat qu’il soit aussi décidé des choses particu- lieres, nous rechercherons comment cela se peut faire. Les actes du souverain ne peuvent étre que des actes de volonté générale, des lois; il faut ensuite des actes déterminants, des actes de force ou de gouvernement, pour l’exécution de ces mémes lois; et ceux·ci, au contraire, ne peuvent avoir que des objets particu- liers. Ainsi l’acte par lequel le souverain statue qu’on élira un chef est une loi, et l’acte par lequel on élit ce chef en exécution de la loi n’est qu’un acte de gouvernement. Voici donc un troisiéme rapport sous lequel le peuple assemblé peut étre considéré, savoir, comme magistrat ou exécuteur de la loi qu’il a portée comme souverain (1). Nous examinerons s’il est possible que le peuple se dépouille de son droit de souveraineté pour en revétir un homme ou plusieurs : car l’acte d’élection n’étant pas une loi, et dans cet acte le peuple n’étant pas souverain lui-méme, on ne voit point comment alors il peut transférer un droit qu’il n’a pas. L’essence de la souveraineté consistant dans la volonté générale, on ne voit point non plus comment on peut s’assurer qu’une volonté particuliére sera toujours d’accord avec cette volonté générale. On doit bien pIut6t présumer qu’elle y sera souvent contraire; car l’inté· rét privé tend toujours aux préférences, et l’intérét public a l’éga- _ lité, et quand cet accord serait possible, il sufiirait qu’il ne tut pas , nécessaire et indestructible pour que le droit souverain n’en put ré- = sulter. I° Nous rechercherons si, sans violer le pacte social, les chefs du peu· g ple, sous quelque nom qu’ils soient élus, peuvent jamais étre autre chose que les ofiiciers du peuple, auxquels il ordonne de faire exé- cuter les lois; si ces chefs ne lui doivent pas compte de leur admi- nistration, et ne sont pas soumis eux·mémes aux lois qu’ils sont chargés de faire observer. _ Si le peuple ne peut aliéner son droit supreme, peut-il le confier pour un temps? s’il ne peut se donner un maitre, peut-il se donner des représentants? Cette question est importante et mérite discussion. (1) Ces questions et propositions sont la plupart extraites du Traité du Contra! social, extrait lui-meme d'un plus grand ouvrage, entrepris sans consulter mes torces. et abandonné depuis longtemps. Le petit traite que i'en ai détaché, et dont c’est ici le sommaire, sera publié a part.