Page:Rousseau - Du contrat social 1762a.djvu/207

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tendant, sa force deviendroit tout-à-fait nulle, & il subsisteroit encore moins. Il faut donc remonter & serrer le ressort à mesure qu’il cede, autrement l’Etat qu’il soutient tomberoit en ruine.

Le cas de la dissolution de l’Etat peut arriver de deux manieres.

    Dès lors, on vit aussi le Gouvernement prendre sa pente naturelle & tendre fortement à l’Aristocratie. Le Patriciat s’abolissant comme de lui-même, l’Aristocratie n’étoit plus dans le corps des Patriciens comme elle est à Venise & à Genes, mais dans le corps du Sénat composé de Patriciens & de Plebeyens, même dans le corps des Tribuns quand ils commencerent d’usurper une puissance active : car les mots ne font rien aux choses, & quand le peuple a des chefs qui gouvernent pour lui, quelque nom que portent ces chefs, c’est toujours une Aristocratie.

    De l’abus de l’Aristocratie naquirent les guerres civiles & le Triumvirat. Sylla, Jules-Cesar, Auguste devinrent dans le fait de véritables Monarques, & enfin, sous le Despotisme de Tibere, l’Etat fut dissout. L’histoire Romaine ne dément donc pas mon principe ; elle le confirme.