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42 Histoire critique de la rédaction des confessions

1à.< Nous n’expliquerons pas pourquoi Rousseau a fait ces transpositions et ces changements. Il nous suffira d’en donner un autre exemple. En racontant la scène qui amena, en 1724, son retour de Bossey à Genève, Rousseau dit: -^Ce premier sentiment de la violence et de l’injustice est resté si profondément gravé dans mon cœur etc." Mais dans l’Emile il fait naître ce sentiment et cette réflexion quatre ans plus tard , lorsqu’il fut maltraité à Turin dans l’hospice des catéchumènes. "Que ceux, lisons-nous dans l’Emile 1. IV, qui savent combien la première épreuve delà violence et de l’injustice irrite un jeune cœur sans expérience, se figurent l’état du sien.*

3) Que n’a-t-il vécu quatre ans de plus pour voir le nom de son fils voler dans l’Europe. Helas! il en serait mort de joye! Heureux de ne pas voir encore combien ces courts momens de gloire coûteraient cher un jour à ce fils infortuné.*

Quelle peinture animée du caractère d’un père orgueilleux 1 Elle se ne trouve pas dans les éditions des Confessions. Pour savoir la place où l’auteur se proposait d’intercaler ces paroles, il faut se rappeler combien il aimait les contrastes. Après avoir raconté par exemple son échec comme musicien, à Lausanne, il fait allusion au triomphe que, 22 ans plus tard, son Devin de village lui vaudra à la cour de Versailles. Il me semble donc que le passage sur sa gloire littéraire était destiné à suivre im- mèdiament la description du déboire que Rousseau causa à son père comme apprenti; et, chose remarquable, il a terminé, encore en Suisse, sa rédaction des Confessions jusqu’au commen- cement de cette description.

Arrivé en Angleterre, en janvier 1766, Rousseau se fixa, vers la fin de mars, à Wootton dans la maison de M. Davenport. David Hume apprit par ce dernier, que, dès le premier jour, l’auteur des Confessions y fut très-occupé à écrire ; et , ayant entendu souvent, de la bouche de Rousseau même, qu’il com- posait les mémoires de sa vie, Hume ne douta pas qu’il ne terminât alors cet ouvrage. {87) En effet, le 25. mai 1766, l’auteur mande ce qui suit à Madame de Verdelin : ill y a longtemps (jue je médite d’écrire mes confessions ; je vais tâcher de les rédiger dans cette retraite, s’il me reste assez de temps pour cela.s (88) Nous connaissons déjà la note au crayon sRepris à Wootton«, qu’il a inscrite en marge de la page 44 de son manuscrit; Rousseau a conûnué ce travail jusqu’à la fin du narré de son séjour 4 Lausanne en 1730. Ce manuscrit se

(87) Exposé suecinit de la contistatiim qui ^ist élevée entre M. Humt et M. Rousseau avec les pièces Justificaliiiis, traduit de l’anglais par Suard avec une préface du traducteur. Londres 17&6. — it la fin.

(88) Voyez t Artiste, année 1840.